Dans l’excellente émission “La Terre au carré” de France Inter, devenue (temporairement, on l’espère) “Le Virus au carré”, Mathieu Vidard recevait lundi 6 avril Didier Sicard, spécialiste des maladies infectieuses. Professeur émérite à Sorbonne Université, il a notamment présidé le Comité Consultatif National d’éthique.

Selon Didier Sicard, nous ne faisons pas assez de cas de la chaîne des causalités qui vont permettre la transmission d’un virus à l’homme. Cette chaîne, complexe, “part de la gourmandise des Chinois pour la pharmacopée à partir d’animaux sauvages ainsi que de notre consommation de fruits exotiques, qui empiète sur les forêts primaires.” Le scénario serait le même que celui de la grippe espagnole de 1918 ou du SRAS en 2003, et passerait par les trafiquants et la clandestinité d’un marché estimé à plusieurs milliards de dollars.

“Ce qui me paraît étrange, dit le spécialiste, c’est que la science est de plus en plus attirée par le microscope, par le génome, mais elle est assez indifférente à la chaîne des causalités. […] Cette difficulté à appréhender l’origine me paraît révélateur de notre monde, fasciné par le microbe, mais plutôt indifférent aux conditions de contamination, alors que c’est pour moi fondamental.”

A la question “Mon chat, qui se balade et peut se faire caresser par les voisins, peut-il transmettre le Coronavirus par son pelage?“, le professeur rétorque :

“Ce serait donc l’homme qui serait le transmetteur. Si vous caressez le pelage, que ce soit d’une peluche ou d’un animal vivant, à ce moment-là, c’est pareil. L’animal serait un transmetteur passif”.

A la question de la fonte des glaces, comme possible source de libération de virus, Didier Sicard répond trois fois de suite : “Évidemment !”, et cette réponse nous semble beaucoup plus… glaçante pour les années à venir. Crise écologique et pandémie sont intimement liées.

Conclusion : Ne cherchons pas les causes où elles ne sont pas. La destruction des forêts primaires, l’exploitation de ressources toujours plus éloignées ou profondes, la concentration irraisonnée d’animaux d’élevage, le tout pour des raisons de profit à court terme, sont beaucoup plus en cause dans l’origine et la transmission des virus que notre milieu ambiant habituel. Ce sont les bouleversements des biotopes et leur appauvrissement par l’humain qui causent ces déplacements de virus. (On pourrait aussi renverser ce point de vue en citant Gaël Giraud : “C’est beaucoup plus utile pour un pathogène d’utiliser le véhicule humain comme moyen de transmission, parce que nous sommes devenus l’espèce dominante”.)

Nos propres chauves-souris (qui sont insectivores et non frugivores comme celles vendues clandestinement sur le marché de Wuhan) peuvent également héberger des virus, dont le seul transmissible à l’homme, détecté principalement chez la sérotine commune, est une sorte de rage, relevée dans des cas très rares. Nous ne devons pas en avoir une peur irraisonnée, dans la mesure où, étant sur Terre depuis plus de 50 millions d’années, elles ne nous ont pas empêché d’apparaître, ni à l’Homo Sapiens de se développer depuis 200 000 ans… Nous vivons en parallèle avec ces espèces, et cohabiterons sans problème tant que nous ne les dérangerons pas…

Continuons à les regarder (évitons de les toucher, sinon avec des gants) ; ces chauves-souris liminaires (ou pas) de l’homme occupent une place essentielle dans les écosystèmes et sont malheureusement en déclin de 40% depuis 10 ans, d’où l’opération que nous menons ensemble !

L’émission citée est actuellement encore disponible à l’écoute ici.

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